(par le Colonel
Maurice Courdesses)
Philippe de Hauteclocque, né en Picardie,
adolescent lors de la Première Guerre Mondiale,
en connaît les misères et les deuils
et aussi les joies de la Victoire de 1918. Avant
ses vingt ans, il décide de consacrer sa
vie son pays en choisissant la carrière des
armes.
Saint-Cyrien de 1922 à 1924, il est capitaine
lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate
et subit le déferlement des "Panzers".
Deux fois prisonnier, il s'évade les deux
fois et, en juillet 1940, alors que les armes nazies
occupent la France après l'Armistice, il
rejoint le général de Gaulle à
Londres en prenant "Leclerc" comme nom
de guerre.
En 1945, il obtiendra que ce nom soit ajouté
à son patronyme, afin que, dans l'avenir,
lui et ses descendants s'appellent " Leclerc
de Hauteclocque".
Dès
août 1940, le colonel Leclerc rallie à
la "France Libre" les colonies d'Afrique
Equatoriale Française, lui donnant ainsi
un territoire et une force militaire.
Recevant
le commandement du Tchad en décembre, il
porte aussitôt ses efforts vers la Libye italienne.
Le 1er mars
1941, avec 400 hommes montés sur 60 véhicules
et après une chevauchée de plus de
1500 kilomètres dans le désert, Leclerc
s'empare de l'oasis de Koufra, symbole de la puissance
italienne en Afrique. Le lendemain il fait jurer
à ses compagnons "de ne déposer
les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs,
flotteront sur la cathédrale de Strasbourg".
C'est le Serment de Koufra. Le général
de Gaulle le fait Compagnon de la Libération
et le nomme général.
L'année
1942, tournant de la guerre où les forces
de l'axe Rome-Berlin commencent à essuyer
des revers, est employée par le général
Leclerc à reconnaître et conquérir
le Fezzan, la partie occidentale de la Libye Après
le débarquement allié au Maroc et
en Algérie, la "Colonne Leclerc"
fait jonction en janvier 1943 à Tripoli avec
la Ville Armée Britannique du général
Montgomery sortie d'Egypte.
Participant
à l'éviction des Allemands et des
Italiens de Tunisie, la colonne devenue la "Force
L" puis la 2e Division Française Libre
arrive à Tunis le 8 mai 1943.
Au
cours de toutes ces campagnes, Leclerc vit auprès
de ses hommes couchant comme eux à même
le sol, s'inquiétant à chaque instant
de leur moral et de leur ravitaillement. Sa foi
en la victoire finale, son sens du terrain et de
la manuvre, son omniprésence, l'ont
fait adopter d'emblée par ses hommes qui
lui apportent adhésion et dévouement
sans faille.
Quand il reçoit,
à l'été 1943, la mission de
transformer la 2e Division Française Libre
en 2e Division Blindée, le général
Leclerc regroupe, à Tamara sur la côte
atlantique du Maroc, au fur et à mesure de
leur arrivée, tous les éléments
qui lui sont affectés : le noyau des Français
Libres qui sont avec lui depuis près de trois
ans, des unités déjà constituées
de l'armée d'Afrique du Nord, des engagés
et des appels locaux, des Corses récemment
libérés et les jeunes français
évadés de France en passant par les
Pyrénées et les geôles espagnoles.
Il surmonte tous les problèmes, en particulier
psychologiques, de la mise sur pied de cette grande
unité en faisant apparaître, une fois
de plus, son sens de l'humain et sa faculté
innée de rassembler vers un but commun, des
hommes d'origines et d'opinions très diverses.
Le général Leclerc veut faire partager
cette idée qui l'obsède : l'union
de tous les Français est gage de succès.
Débarquée
en Normandie le 1e août 1944 en venant d'Angleterre,
la 2e Division Blindée va participer, au
sein de la 111 Armée U.S. du général
Patton, à la libération du territoire
national. Elle est tellement marquée par
la personnalité de son chef que très
vite, elle est, pour les populations et les journalistes,
la "Division Leclerc", voire même
l"'Armée Leclerc".
Les étapes de
la 2e D.B. se succèdent dans une charge fantastique.
Alençon est libérée le 12 août
et l'entrée de vive force dans Paris le 25
août, au milieu de la foule en liesse des
Parisiens et des forces françaises de l'intérieur,
les F.F.I., qui participent aux combats, permet
au général de Gaulle de se faire acclamer
en descendant les Champs-Élysées.
Repartant
vers l'est, les hommes de Leclerc libèrent
Vittel, anéantissent une Panzer brigade à
Dompaire les 12 et 13 septembre et libèrent
Baccarat le 31 octobre. Ils traversent les Vosges,
âprement défendues et le 23 novembre
1944 Strasbourg est libérée.
Ils ont
tenu le "Serment de Koufra".
Après de durs
combats dans le sud de l'Alsace, pendant plus de
deux mois d'un hiver particulièrement rigoureux,
la 2e D.B. participe, au sein de la 1re Armée
Française, à la libération
de Colmar le 6 février 1945. Il n'y a plus
d'Allemands en armes sur le sol français,
à l'exception des poches de l'Atlantique
où des éléments de la 2e D.B.
vont libérer Royan en avril 1945.
Impatient
d'entrer en Allemagne, le général
Leclerc réussit à engager sa division
en Bavière et s'empare de Berchtesgaden,
le haut-lieu des nazis, trois jours avant la capitulation
allemande.
En 1945, Leclerc nommé
général de Corps d'Armée est
élevé à la plus haute dignité
de la Légion d'Honneur (Grand Croix), reçoit
le commandement du Corps Expéditionnaire
Français en Extrême Orient, le C.E.F.E.O.,
dans les rangs duquel se sont engagés plusieurs
milliers d'hommes de la 2e D.B. pour suivre leur
général.
Dirigé vers l'Indochine,
où près de 40 000 français
subissent les avanies et les exactions des Japonais
occupant le territoire, le Corps Expéditionnaire
va en quelques mois restaurer la présence
française. Auparavant le 2 septembre 1945,
le général Leclerc avait signé
au nom de la France, la capitulation japonaise,
en baie de Tokyo, aux côtés du général
américain Mac Arthur.
D'octobre
1945 à juillet 1946, Leclerc faisant montre
d'un sens politique en avance sur son temps, préconise
une solution pacifique au conflit franco-vietnamien.
Malheureusement incompris, il est rappelé
en France.
Et c'est en Afrique
du Nord, pendant plus d'un an que le général
Leclerc va mettre une fois de plus ses talents au
service de la France en tant qu'inspecteur des Forces
Armées. Qu'il s'adresse à des militaires,
par exemple, en fin de manuvres, ou bien à
des populations qui le reçoivent avec les
chefs locaux à leur tête, il ne manque
jamais l'occasion de répéter inlassablement
sa confiance en la France revenue au niveau des
grandes nations, sa confiance dans cette arme française
qui reprend la place qu'elle n'aurait jamais du
perdre. Et partout il insuffle autour de lui cette
foi en l'avenir qui ne l'a jamais quitté,
en incitant chacun à faire consciencieusement
ce qu'il doit à la place qu'il occupe.
Et le 28 novembre 1947,
au cours du vol arien qui l'amenait d'Oran à
Colomb Béchar pour une inspection, son avion
pris dans un vent de sable, s'écrase au sol
et prend feu. Il n'y a pas de survivant. Le général
Leclerc trouve la mort sur cette terre d'Afrique
qui avait connu ses premières armes et qu'il
avait traversée du sud au nord sur le chemin
de la Victoire.
Cinq ans après
sa disparition, le Parlement vote à l'unanimité
la loi qui élève à la dignité
de Maréchal de France le général
d'Armée Philippe Leclerc de Hauteclocque.
Le
général de Gaulle lui a rendu hommage
à plusieurs reprises, en particulier en ces
termes :
"L'épopée
de Leclerc, c'est, pour toujours, une des plus belles
pages de notre histoire".
et:
"Enfants de France, rêvez d'être
un jour des Leclerc, apprenez ce que vaut une libre
volonté française".
Il y a donc plus de cinquante ans que disparaissait
le général Leclerc, le patriote convaincu,
le chrétien pratiquant, le rassembleur charismatique,
le soldat intrépide, le chef audacieux, le
tacticien hors-pair, le fin politique.