Célébration du centenaire de la naissance du
Général Philippe Leclerc de Hauteclocque
Maréchal de France

Par Sylvain Ollier le vendredi 22 novembre 2002

Tout a commencé la veille, sur les coups de 18h00, par un office religieux célébré en la chapelle de l'Ecole Militaire de Paris. Messe entièrement dédiée à la mémoire du Général Leclerc de Hauteclocque, qui, en plus d'avoir été un preux chevalier du XXème siècle, était un pieu chrétien, admirateur de la Sainte Vierge. L'un des prêtres ne manquera d'ailleurs pas de remémorer ce fait tout en rappelant également que, pour parler du divin, il disait "le Bon Dieu ".


Durant cet office, personne, de quelque religion qu'il soit, ne pouvait rester insensible à l'atmosphère régnant à l'intérieur de l'édifice religieux. Pas seulement par la présence de tous ces vétérans de la 2ème Guerre Mondiale encore vivants, accompagnés de leur épouse et protégeant les huit drapeaux ici présents, ni par l'un des discours pourtant touchant et plein d'humilité lu par le père de la DB, texte respectant la simplicité du Général jamais attiré par les compliments, pourtant toujours mérités. Mais simplement par ce cocktail, cet ensemble symbolique. Une symbiose quasi parfaite entre l'Armée de Leclerc et la foi religieuse. Nous nous trouvons dans l'une des nombreuses maison de Dieu, dans l'un de ces lieux de paix où le Général aimait se recueillir sereinement, pour mieux se retrouver.

Un des trois prêtres s'avance devant l'autel et prend la parole pour lire un passage du testament. Quel testament ? Je ne m'en souviens malheureusement pas. Cette sainte lecture me frappe par son contenu. J'ai l'impression qu'il s'agit d'une description minutieuse du caractère du vainqueur de Koufra. Pourtant il s'agit bien d'un texte issu des livres sacrés. Tout y est bonté, droiture et respect. En prenant tout le recul nécessaire pour analyser cette troublante ressemblance, qui a mes yeux est plus proche de la prédiction que d'un banal hasard dû au simple choix de lecture d'un prêtre, on peut mieux comprendre la grande foi qu'éprouvait Leclerc. Peut-être a-t-il lui-même lu ce passage durant sa trop courte existence ? Alors, peut-être, s'en est-il servi comme conduite à respecter, à tendre vers ?

A peine la cérémonie touche t'elle à sa fin que les huit drapeaux se dressent, d'un même mouvement, sur leurs ergots de fer pour saluer le terme de cette communion. Ils se dirigent ensuite vers la sortie pour se placer sur le parvis extérieur de la chapelle. Immobiles, ils forment une haie des honneurs pour accompagner le retour dans le quotidien des fidèles gars de Leclerc. Les suivent énergiquement, de près, les couleurs de leur Chef. Charles Pégulu De Rovin, leur porteur, rempli fièrement la tâche qui lui a été confiée. Il vient se figer tout de suite sur la gauche en sortant, précédent les drapeaux. Pour que les anciens, en sortant, les saluent d'abord, avant de passer en revue les autres drapeaux.

Dans ce lieu saint, une apparition ! Sa fille cadette, Bénédicte. Une allure pleine de sérénité et de grâce. Un charisme certain se dégage de sa personne et illumine son passage. En l'observant son père m'apparaît presque. Nos regards se croisent furtivement. Elle se dirige alors vers la sortie. Entourée, submergée, pressée par une cour constituée d'une partie des compagnes des vieux grognards de son illustre paternel. Elle reste de marbre face à cette horde composée de quelques épouses d'anciens, avec un mélange de gentillesse et de distance. Le regard de son père. La prestance de son père. La simplicité de son père. C'est bien la fille de son père !

Une fois que la chapelle se soit entièrement vidée de ses visiteurs, les drapeaux sont soigneusement enroulés autour de leur mât puis glissés dans leur sacoche de cuir. Seules les couleurs du Général continuent de braver le vent froid de la nuit. Son accompagnateur, ou plutôt son un aide de camp occasionnel, puisqu'il s'agit des couleurs représentant le blason du Général, est bien trop content de pouvoir prolonger leur permission en les maintenant bien haut. Plus proches de ces fameuses cinq étoiles qui doivent briller dans l'univers des grands hommes. On dirait un bâton de pèlerin ou plutôt un panache blanc-ciel de ralliement. Puis, tout à coup, d'un pas pressé, les voilà qui disparaissent dans l'une des allées extérieures de l'Ecole Militaire, longeant la Chapelle. A sa vue les étoiles se mettent à scintiller.
Sur le parvis restent quelques anciens, trop contents d'éterniser ces retrouvailles glorieuses, à la grande déception de leurs frileuses et impatientes dames. Proche de la porte de la Chapelle, le Général Peschaud, en civil, se maintient péniblement debout. Physiquement fatigué mais moralement en pleine forme, et dont le visage semble comme à moitié défiguré par une sorte de paralysie. Son bras droit, tendu et hésitant, cherche sa troisième jambe de fortune : une canne surmontée d'un pommeau argentée. Une proche la lui remet tout en le soutenant. Un sourire plein de vie jaillit de son visage et illumine l'esplanade. Demain, malheureusement, il ne pourra être présent… Mais je sais que sa pensée sera tournée vers son cher et aimé Général.

En sortant de l'Ecole Militaire, la Tour Eiffel semble, à sa manière, participer à la cérémonie commémorative : comme un phare de ralliement, cette sentinelle de fer éclaire, avec ses deux puissants faisceaux lumineux, la nuit qui enveloppe fraîchement la Capitale de France.
Cette cérémonie religieuse, plus qu'un rappel à la mémoire, me donne comme l'impression que l'on aurait célébré la sainte nativité avec un bon mois d'avance. D'ailleurs ne vient-on pas de célébrer la naissance d'un être d'exception ? En y repensant, la source de cette atmosphère apaisante ressentie en début d'office, est peut-être à chercher dans la phrase, pleine de signification, annoncée par l'ancien aumônier de la 2ème DB. Elle disait à peu près ceci : " (…) Philippe Leclerc de Hauteclocque n'est pas mort ! Le seigneur l'a simplement rappelé auprès de lui pour le retirer de ce monde impur et indigne de le garder (… )" En prenant le recul nécessaire pour analyser au plus profond cette annonciation, on se sent immédiatement moins peiné par sa tragique disparition, survenue bien trop tôt pour nous tous. Car l'Esprit Leclerc se trouve en chacun d'entre nous, comme notre foi en Jésus Christ.

Paris, lieu haut en symboles pour la 2ème DB, est le lieu désigné pour commémorer publiquement son libérateur. Ce 22 novembre 2002 est un jour typiquement automnal : temps frais dont le ciel est, en majorité, une succession d'éclaircies traversées par quelques gros nuages gris blanc qui, lorsqu'ils cachent l'astre solaire, rafraîchissent l'atmosphère.

Le métro fut le moyen le plus sûr pour ne pas arriver en retard. Je ne me serais pardonné cet écart : surtout ne rien manquer de cette journée si particulière ! Station Invalides. Pas de gymnastique de rigueur, comme au temps du Service National, entre la sortie du métro et le majestueux portail servant d'entrée principale des Invalides. Pour y pénétrer il faut signifier l'objet de sa visite à un gendarme : "c'est pour la cérémonie ou le musée ? ". Devant nous s'étale une grande allée bombée, faite de pavés luisant au soleil. Elle mène droit à l'accès de la cour. Plusieurs bus se reposent sur son bas côté. Juste avant de pénétrer dans la cour des Invalides, dont l'entrée est une grande arche taillée dans l'aile Ouest du bâtiment, se trouve, sur la gauche, l'imposant Command Car du Général. Tel un cerbère, ce monstre mécanique garde et observe le passage. A ses côtés se tient debout, sous le calot marine à liseré rouge du RMT, le porte-drapeau des couleurs du patron. Le même aide de camp qu'hier au soir. En me voyant approcher de lui et du mastodonte, dont on ne sait pas qui d'entre les deux protège l'autre, il me lance un "Comment va la troupe ?". Je lui réponds, en orientant mon regard en direction des uniformes du RMT, que "c'est à eux qu'il faut le demander ! ", n'étant moi-même qu'un civil sans histoire par rapport à cette historique unité militaire. Pour conclure ce bref échange il m'annonce, par une boutade digne de lui, qu'il "ne marche pas. Je ne me déplace qu'en voiture ". Et quelle voiture !

Il est un peu moins de 10h00 lorsque je pénètre au cœur du monument. Une très grande majorité des anciens est déjà en place. Comme si hier au soir, après la messe commémorative, ils s'étaient, d'un même élan, tous dirigés vers les Invalides pour y planter leur campement. Bel exemple de ponctualité pour la jeunesse ! L'aile sud de la Cour leur est réservée
La prise d'armes en l'honneur de leur illustre chef doit avoir lieu à partir de 10h / 10h30. Elle ne débutera que sur les coups de 11h00. Attente des personnalités oblige. Est prévue de longue date la Ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie. Il y a une semaine encore, la venue du Président de la République était espérée.
Au centre de ce valeureux regroupement d'anciens, s'est naturellement constitué ce que j'appellerai le groupe. Solidaire et compact. Pareil à une tête de pont, il est un peu décalé en avant par rapport à la ligne formée par les anciens. Juste devant le pupitre, encore vide. Il est constitué des vraies personnalités de la cérémonie : la famille du Général. Il y a là, reconnaissable entre toutes, sa cadette, Bénédicte, accompagnée de sa progéniture et arrière-progéniture. A sa gauche deux de ses aînés. Cinq paires d'yeux d'un bleu clair et cristallin font revivre, en les regardant, le regard vif de l'homme qui fut le guide des troupes les encadrant aujourd'hui.
Quelques sièges sont disposés derrière lui, pour soulager l'âge des artères les plus touchées. Au final la plupart des sièges resteront vides. Quelques anciens, encore bien verts, iront même jusqu'à escalader les gardes-barrières séparant le bâtiment de la cour ! Ce pour se surélever afin d'apercevoir au mieux les intervenants qui défileront au pupitre. Comme l'impression d'avoir affaire à de grands enfants ne sachant pas tenir en place ! Vous avez dit colonne volante Leclerc ? Je comprends toute sa signification à la vue de ce spectacle !
Sur sa droite se trouvent les fameux drapeaux ! Il y a là trois rangées tricolores, composées chacune d'une douzaine de drapeaux. Toute la fabuleuse histoire de l'épopée Leclerc est représentée au travers de ces trophées en étoffe. Nos regards, remplis d'excitation et d'admiration, cherchent à distinguer un insigne célèbre ou le nom mythique d'une bataille. Dès que l'origine d'un drapeau est devinée, un sourire cicatrise de plaisir nos visages ! Quels merveilleux emblèmes ! Ils sont là, droits et fiers, claquant au vent. Lorsque leurs porteurs les basculent en avant, comme pour mieux déchiffrer leurs écritures faites de fils d'or, ces tissus bleu-blanc-rouge s'ébrouent à la moindre caresse d'éole, tels des chevaux racés à la crinière d'or. A ce moment là les porte-drapeaux ressemblent à des écuyers. Les chevaux qu'aimait tant Philippe De Hauteclocque. Ces drapeaux sont les siens et représentent sa cavalerie victorieuse. Dans ce moment là on ne peut s'empêcher de penser à son fidèle Iris XIV, qui, d'un bref et violent coup de sabot, terrassa l'irrévérencieux officier allemand, décidé à le monter. La pauvre monture fut abattue sur le champ… Après la prise du Fort d'El-Tag, de l'oasis de Koufra, Leclerc, dans l'édition de son ordre du jour, y annonça : "Nous ne sommes pas encore prêt pour l'esclavage ! ". Son pur-sang était de la même trempe !
Sur sa gauche sont réunis les gars de Leclerc. Comme s'ils avaient reçu un appel intérieur de rassemblement, ils ont automatiquement reformé les unités qu'ils composaient au sein de la DB. Il y a là les calots rouges du RMSM, reconnaissables entre tous, ceux marine à liserés rouges du célèbre RMT, ceux bleu ciel du 501ème RCC… Chaque homme porte fièrement les décorations reçues au combat, mais encore plus fièrement l'insigne qui le rattache à sa glorieuse unité, comme pour montrer son appartenance. Mais tous, sans exception, portent à l'unisson le plus bel insigne qu'ils aient reçu : celui fait d'un émail bleu nuit surmonté d'une carte d'or de la France sur laquelle ressort la Croix de Lorraine, symbole de ralliement des Free French. Cet insigne prouve que l'on peut appartenir à une Division de renommée tout en formant en son sein plusieurs unités de valeur. Division et Unité : quelle alliance réussie ! Leclerc lui-même dira que ce fut sa plus belle victoire !
Blotties imperceptiblement entre ces vieux grognards et les membres de la famille du Maréchal, quelques Rochambelles discutent discrètement.
Cette longue rangée disciplinée est impatiente de rendre les hommages à son prophète, de la manière la plus naturelle qu'il soit à son égard : en passant en revue les unités qui se sont déplacées pour l'occasion. Et ce au cœur même de l'ancien centre névralgique militaire de la capitale, les Invalides.
Quelques élèves de collège sont présents et accoudés à la rambarde du 1er étage surplombant la cour.

Tout à coup un tremblement secoue nos corps. Une avalanche vrombissante semble s'infiltrer par l'arche d'entrée, par laquelle nous sommes arrivés dans la cour. Il s'agit juste d'une invasion de tambours de la fanfare militaire qui, comme s'ils sonnaient la charge, annoncent l'entrée du défilé prévu pour l'occasion. Ce bruit est largement amplifié par l'écho créé sous l'arche. Cette bruyante marche de tambours, cet électrochoc auditif est le parfait tremplin pour entonner la Marseillaise. Cet hymne patriotique, accompagné de ce roulement sourd, nous transporte aux plus belles épopées des glorieux champs de batailles de nos vainqueurs de légende. On pense alors à la Grande Armée de Napoléon sonnant la charge dans la plaine de brouillard d'Austerlitz. Cette fois-ci elle sonne le rassemblement des anciens de la 2ème DB sous les plis du Général Leclerc. La statue de Napoléon, dans sa traditionnelle position main droite enfouie dans son manteau, dominée par le dôme doré des Invalides, n'observe t-elle pas d'un air intéressé cette scène se déroulant à ses pieds ? L'empereur lui-même n'aurait pas renié un si glorieux Maréchal. Tant de points communs militairement les réunissent.


La musique militaire est tout de suite suivie par un détachement d'élèves de Saint-Cyr, suivit du RMT de Noyon, lui-même suivit de la 2ème DB. Les trois fleurons de l'épopée de Leclerc, qui pour l'occasion se suivent chronologiquement, ne pouvaient faire autrement que d'être présents en ce jour. Pour Saint-Cyr, il eut une influence considérable. En plus d'avoir fait partie des majors de la célèbre promotion Metz & Strasbourg, Hauteclocque, durant ses années d'instructeur, marqua à vie, de par son caractère droit et pur, ses élèves. En ce qui concerne les deux autres unités, c'est grâce à lui qu'elles virent le jour. Elles le lui rendirent par des faits tous plus glorieux les uns que les autres.
Plusieurs autres groupements suivent les précités. Tous passent les uns après les autres devant les anciens de la 2ème DB et devant les enfants du Général. Chacun ira se poster à son emplacement qui lui est assigné.

Les quelques visiteurs du musée, se trouvant sur la coursive du 1er étage, sont à la fois ravis d'avoir la chance de voir ce spectacle mais également impressionnés par tous ces détachements : " Mais en quel honneur sont-ils là ? " Telle doit être la question les rongeant.
Le lieutenant-colonel de Reboul, chef de la garnison du RMT, est le premier à passer en revue les effectifs. Une fois l'opération terminée, il vient se poster, ou plutôt se figer, à une cinquantaine de mètres face à l'entrée de la cour. Comme une sentinelle prête à accueillir les futures personnalités. On attend avec lui. Patiemment… Impatiemment… Pour aider à patienter est distribué un message du Président de la République, Jacques Chirac. Bref éloge en l'honneur du Général Leclerc. En conclusion de son texte est repris le célèbre souhait du Général De Gaulle " Enfants de France rêvez de devenir un jour des Leclerc ! ".
Quelques généraux d'active, d'autres en retraite, arrivent au compte-gouttes. Un jeune homme en civil vient les accueillir, ou disons plutôt les cueillir pour venir les présenter aux enfants Hauteclocque. Puis tous vont se placer autour de cette famille, comme pour leur servir de Garde Impériale.

Sébastien Boeuf (à droite) et son Père
Le Colonel Claude Mademba Sy

Le Ministre des Anciens Combattants
Les couleurs du Général Leclerc

 

Le Ministre des Anciens Combattants arrive discrètement à la place de MAM. Il n'était pas prévu. Mais vu son titre il apparaît logique qu'il soit au milieu de ces valeureux anciens combattants, qu'il représente au gouvernement actuel.
La cérémonie peut commencer ! Pour respecter le protocole, lui aussi va passer en revue les troupes présentes. Puis, au terme de sa revue, il s'approche du pupitre placé au milieu de l'espace, en face des enfants du Général. D'une voix claire et pleinement audible, il lit un discours simple mais plein de reconnaissances à l'égard de la mémoire du Général Philippe Leclerc de Hauteclocque, Maréchal de France. On sent une réelle sincérité dans ses propos. Il n'aurait pas préparé son élocution qu'il aurait quant même trouvé les mots justes. La sincérité ne trompe pas. Pour le libérateur de Paris il n'y a pas de fioritures à rajouter. Tout est clair et pur. Comme l'être qu'il fut.
Le Ministre est ensuite relevé par un ancien du I/RMT, le colonel Claude Mademba Sy. Lui, en toute humilité, a préféré lire le discours que leur Patron lu lors du rassemblement de Fontainebleau, le 22 juin 1945. Ce célèbre discours qui ébranla plus d'un de ses solides gaillards du Tchad. Il leur annonça son départ de la DB, son unité. Il transmis alors le fanion de la Division à son plus fidèle parmi les fidèles, Louis DIO. Le timbre de voix de Mademba-Sy n'est pas le même. On n'arrive pas à se faire transporter des Invalides à Fontainebleau, pourtant à peine distantes de 50 kms. Peut-être parce que justement nous n'y étions pas, nous les jeunes du XXIème siècle. Le résultat escompté n'est malheureusement pas au rendez-vous. Peut-être les mots de Leclerc n'appartiennent qu'à lui et que dans la bouche d'un autre ils n'ont pas la même portée. Ce que l'on retiendra tout de même de son intervention, c'est que c'est un africain qui aura pris la parole pour représenter tous les anciens. L'Afrique, continent qui l'a révélé et repris pour l'éternité. L'Afrique continent originel de l'humanité. L'humanité l'une de ses plus grandes qualités : Free French ou pas, européens ou pas, il acceptait tout le monde sans distinction aucune. La grandeur de Leclerc se retrouvait également dans ce trait de caractère.
Pour tirer le rideau sur cette représentation en plein air, la fanfare entonne les notes de musique de l'hymne de la 2ème DB. Les anciens ne se font pas prier pour l'entonner à gorges déployées !


Il est midi, tout ce petit monde quitte les lieux. Les bus se réveillent de leur sieste et font ronfler leur moteur pour faire activer les troupes : les anciens sont invités à déjeuner à l'Hôtel de Ville, les militaires d'actives à retrouver leur popote.

A l'Hôtel de Ville de Paris des portiques de sécurité sont placés de part et d'autre des différents accès de la salle qui leur est réservée. Peut-être s'imagine-t-on que ces glorieux anciens ont dû, par mégarde, garder sur eux un vieux fusil-mitrailleur ? ! Ca fait pourtant belle lurette qu'ils ont déposé les armes de la guerre pour conquérir les lauriers de la paix ! Surtout que la récente victime des lieux, le Maire de Paris, s'excusera, par l'intermédiaire d'un courrier, de son absence non-prévue. Son adjointe, Mme Hidalgo, en informe les invités lors de son discours.
Pour le repas, une épouse d'un ancien du 501ème RCC, m'avouera, au Mémorial Leclerc, qu'il s'agissait d'un buffet froid. A priori, à la vue de ce service, l'ambiance environnante pris elle aussi un sacré coup de … froid !
Au cours de ce dîner frugal, le Président de l'Association des Anciens, Mr Martin, prononcera un discours, dont l'introduction fut faite de remerciements de principes à l'égard de l'absent du jour et le contenu orienté vers la mémoire du Général Leclerc. Un peu d'émotions n'a pas dû être de trop pour réchauffer les convives mais pas leur buffet…


A 16h00 doit avoir lieu, sur Montparnasse, la première de l'exposition organisée au Mémorial du Maréchal Leclerc à Paris : " La Légende d'un Héros "

Il est 15h00, l'heure de se diriger vers le plus célèbre des PC du Général Leclerc : la gare Montparnasse, symbole fort de la libération de la capitale. Il y a quelques années, en signe de ce fait historique, la Ville de Paris, en remerciement, y a fait construire au-dessus le Mémorial Leclerc. Une exposition retraçant les 45 ans de vie du Général y est organisée jusqu'au 8 mai 2003. Une fois devant l'entrée du musée, pas besoin de montrer le sésame pour y entrer. Les portes s'ouvrent en grand devant chaque arrivant. Pour les anciens Free French c'est une preuve de reconnaissance. Pour les sans-histoire comme moi, une invitation à la découverte du personnage. Les invitations, initialement prévues et distribuées pour l'événement, pourront donc être utilisées ultérieurement. Pour une visite plus solitaire et donc plus calme. Leclerc ouvert à tous. Ce qu'il a été sa vie durant.
Dans la petite bibliothèque du rez-de-chaussée se trouve, en bonne place, un grand nombre de cet ouvrage édité pour l'occasion : " la Légende d'un Héros " de la conservatrice des lieux, Christine Levisse-Touzé. Beau livre relié. La photo de couverture est superbe : le Général y est troublant de vie ! 29 €uros. Peu importe le coût. L'argent des choses de qualité et de valeur sentimentale n'a pas de prix.
16h00. Les brebis égarées dans les grandes allées de l'Hôtel de Ville commencent à affluer à la bergerie. Elles viennent à leur tour rendre hommage, de par leur présence, au lieu dévolu à la mémoire de leur berger. Tout ce beau monde est réuni dans la salle ovale du 1er étage, salle servant de lien physique entre la partie dédiée à Jean Moulin et celle au Général Leclerc. Nouveaux discours de Mme Hidalgo et de Mr Martin. Ce dernier en profite pour remettre à Mme Levisse-Touzé un exemplaire de la médaille commémorative des 100 ans de Leclerc. Geste de remerciement sincère de la part de l'Association des Anciens de la 2ème DB envers celle qui a monté l'exposition et rédigé l'ouvrage. Pour conclure son intervention il invite le colonel Courdesses à venir interpréter, sur l'estrade, l'hymne de la DB. " Ne m'attendez pas pour vous lancer ! ", commence-t-il par annoncer à l'assemblée. Leur illustre Général n'en aurait pas dit moins : initiative toujours demandée ! Les anciens ne se privent pas pour s'époumoner, au risque de s'effondrer par la suite. La salle se prête à ce chant glorieux : le bruit y est bien réfléchi. Bénédicte, seul enfant du Général à être encore présente, accompagnée de son mari, de son fils et de ses petits-fils, fredonne l'air rendant gloire à l'unité mise sur pieds par la forte volonté de son père. On n'entend pas sa discrète voix, mais on distingue le léger mouvement de ses lèvres.
La fin du chant marquera le terme de cette suite d'interventions. Les personnes présentes sont alors invitées à visiter l'exposition en question, officiellement déclarée "ouverte ". Pendant ce temps, un des arrière petit rejeton de Leclerc s'est assis à même le sol de la salle ovale. Comme à bout de force. Juste sous un panneau regroupant plusieurs photos de son célèbre aïeul. Sa grand-mère, en voyant la scène, semble touchée par cette symbolique : un sourire plein de tendresse éclaire son visage. Elle interpelle son fils pour lui signifier que son petit semble bien fatigué.

Pas un instant n'est à perdre : à 18h est prévu le ravivage de la flamme du soldat inconnu, sous l'Arc de Triomphes.


A un peu moins de 18h00, sous un ciel étoilé et dans un froid glacial, se sont regroupés en une grosse colonne les quelques anciens qui ont voulu souffler la grosse bougie de circonstance : celle de la flamme du soldat inconnu. Bougie pour l'anniversaire du Centenaire du jour. Cette colonne se trouve sur le haut de la plus célèbre avenue du Monde. Juste à côté de la Place de l'Etoile.

Les rangs se sont nettement clairsemés depuis hier au soir. De nombreuses pertes sont à déplorées. J'ai bien peur que de valeureux anciens, malheureusement hors de combat, doivent joncher le glorieux parcours Ecole Militaire, Invalides, Hôtel de Ville, Mémorial de Montparnasse, Arc de Triomphe. Mais ce maigre bataillon d'un autre âge a tout de même fière allure.
A sa tête se sont portés une douzaine de drapeaux prêts à battre le pavé des Champs Elysées. Quelle symbolique cela va faire entre la plus glorieuse de nos unités militaires et la plus belle avenue du Monde ! Ce défilé ira alors directement se rendre sous l'Arc de Triomphe. Pour l'instant les pointes d'or des drapeaux sont orientées en direction de la Concorde.
Ils sont suivis de Bénédicte et sa descendance. Comme s'il s'agissait du PC avant de son père : toujours plus proche des hommes les plus avancés au combat ! Puis suit le gros de la troupe, chaudement emmitouflé, aligné en quatre rangées.
Tout ce bataillon est sagement et discrètement rangé de façon parallèle à la sortie de la station RER Charles De Gaulle - Etoile. L'arrière de ce peloton se trouvant au niveau de la plaque commémorative du 11 novembre 1940 : Que de lieux prestigieux visités tout au long de cette journée, pour honorer la mémoire de Leclerc ! Tous ces noms mythiques auront été présents pour commémorer le siècle d'âge de ce digne fils de la France !
Quelques policiers resserrent les rangs et cherchent à y intégrer les derniers retardataires. M'estimant indigne de figurer parmi ce détachement historique, le souterrain, menant à la monumentale arche des triomphes napoléoniens, me suffira pour me rendre sur le dernier sanctuaire commémoratif de ce vendredi saint. Pourtant, ce n'est pas l'envie de suivre ces fiers drapeaux qui me manque !...
" C'est pour la DB ! ". C'est par cette brève et pressée réponse que je franchis l'ultime barrage policier menant directement sous l'arche. Pour appuyer la parole rien de mieux qu'une pièce irrévocable : d'un geste précis, qui s'avérera décisif, j'entrouvre ma veste de cuir pour faire apparaître mes décorations de circonstance. Sur ma poitrine, épinglées sur la veste de mon complet noir, se trouvent l'insigne du RMT et celle du la 2èmeDB. Elles m'ont servi de précieux sésame ! La première fut achetée lors de la vente de charité de la DB courant novembre 2001. La seconde faisait partie d'un lot des éditions Atlas acheté dans un Relais H. Numéro retraçant sommairement l'épopée de la DB.
Tout à coup, postée sur la partie Est de l'arche, dans l'axe de l'avenue des Champs, la fanfare s'ébroue et, sur un air militaire, sonne le signal de marche pour le bataillon. Sur la plus belle avenue du Monde les anciens avancent au pas pour venir se regrouper autour de la célèbre flamme du plus connu des inconnus. Leur traversée n'aura durée qu'une minute à peine. Durant leur passage, sur la très encombrée Place de l'Etoile, les voitures s'immobilisent comme le firent par le passé les chars de la Division afin de protéger le cortège historique du 26 août 44.
Les drapeaux viennent former deux rangées sous l'arche Ouest. Ils claquent au vent. Pour éviter qu'elles ne se déchirent, leurs crinières sauvages sont rabattues sur leur mât, maintenues par une main gantée de cuir.
Le faible filet de la flamme des grandes occasions, ondule face à l'immobile et majestueux Obélisque de la Concorde. Sur sa droite se tiennent, debout, les fidèles de Leclerc. Sur sa gauche une chorale, composée de jeunes enfants. Cette dernière, de sa voix douce et juvénile, entonne la Marseillaise. Les anciens, porteurs des drapeaux, la fredonnent entre leurs lèvres. Puis la fanfare l'accompagne dans son interprétation de l'hymne de la 2ème DB. A mes côtés, le porteur du drapeau de l'amicale des Hauts-de-Seine, chante doucement cet air de ralliement qui fut le sien lorsqu'il servait au IIIè/RMT, de sept 44 à juin 45. Un léger sourire illumine son visage, tanné par le froid, et trahit son intense plaisir que d'être présent en ce moment. Il est heureux et ça se voit. Un bonheur simple qui vous réchauffe le corps.
Un vieux Général quatre étoiles, ceinturé d'un bandeau bleu roi, à l'aide d'une sorte d'épée, actionne l'anneau de laiton encerclant la flamme. Il est aidé dans le geste par deux autres généraux, ceux là en activité. La flamme du soldat inconnu, tombé pendant la 1ère GM, est ainsi ravivée en l'honneur du plus illustre Général français de la 2nde GM.
Re-chant de la 2ème DB. Les porte-drapeaux sont toujours prêts à s'époumoner pour lui. Cette fois, comme sentant que ça allait être la dernière de la journée, ils la chantent un peu plus fort.
Derniers roulements de tambours. Les personnalités présentes sont invitées à venir signer le livre d'or, se trouvant sous l'arche Sud. Ce sont deux des arrière-petits-fils du Général Leclerc qui prennent la plume les premiers. Leur grand-mère, Bénédicte, est également priée de suivre le mouvement. Mais elle force le passage pour, d'abord, aller remercier chaleureusement les enfants de la chorale, accompagnée de leur professeur - chef d'orchestre. Elle est sincèrement touchée de leur déplacement par un temps si froid et pour une cause si malheureusement peu connue. Dans cette réaction on reconnaît un peu du caractère que devait avoir son père : " Personne ne m 'empêchera de partir ! ", avait-il lui-même lancé à l'assistance alors présente peu avant son tragique envol vers Colomb-Béchar. Personne n'empêchera sa fille de suivre sa volonté ! Je ne suis même pas sûr que le livre d'or ait une trace du passage de la fille cadette du Maréchal de France. Je ne l'ai pas vu se pencher dessus.


C'est par cette image symbolique que la journée du 22 Novembre 2002 s'achève. Du début à la fin sa cadette aura été présente. Elle s'est fait un devoir que de représenter sa célèbre famille. Un devoir de plaisir, n'en doutons pas. Elle a été exemplaire. Et dire que ce bout de femme aurait pu changer à tout jamais la face de l'Histoire de la France, quand, en ce 21 juin 1940, elle sauta de joie sur les genoux repus de son évadé de père, venu rejoindre sa famille à Libourne après un parcours truffé d'embûches. N'a t'on pas dit ni écrit qu'a ce moment là, à la vue de cette scène pleine de tendresse paternelle, Mme De Hauteclocque avait cru discerner, sur le fin visage de son époux, comme un sentiment de tentation le poussant en son for intérieur à rester aux côtés de sa grande et belle famille, idéal refuge en ces temps de doutes ? ! Aujourd'hui il peut être fier d'elle : elle ne l'a pas empêché de filer vers ce destin si fabuleux que l'on connaît aujourd'hui, mais en plus elle est grande de par sa nature saine et pure. " Pas une ombre au tableau ", pourrais-je reprendre à son égard pour cette journée. Comme l'écrivit en son temps Charles De Gaulle, dans une lettre adressée à la veuve de son fidèle Leclerc du Tchad.

L'échelle de temps Leclerc s'est arrêtée le 28 novembre 1947. Grâce à l'Association de ses Anciens elle a pu être prolongée jusqu'à aujourd'hui et ce jusqu'au dernier soupir de ses Free French. Mais ce sera à nous de continuer à alimenter cette flamme pure pour que ce fantastique esprit tende vers l'éternel !

Vive la France ! Vive Leclerc !

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