Par
Sylvain Ollier le vendredi 22 novembre 2002
Tout
a commencé la veille, sur les coups de
18h00, par un office religieux célébré
en la chapelle de l'Ecole Militaire de Paris.
Messe entièrement dédiée
à la mémoire du Général
Leclerc de Hauteclocque, qui, en plus d'avoir
été un preux chevalier du XXème
siècle, était un pieu chrétien,
admirateur de la Sainte Vierge. L'un des prêtres
ne manquera d'ailleurs pas de remémorer
ce fait tout en rappelant également que,
pour parler du divin, il disait "le Bon
Dieu ".
Durant cet office, personne, de quelque religion
qu'il soit, ne pouvait rester insensible à
l'atmosphère régnant à
l'intérieur de l'édifice religieux.
Pas seulement par la présence de tous
ces vétérans de la 2ème
Guerre Mondiale encore vivants, accompagnés
de leur épouse et protégeant les
huit drapeaux ici présents, ni par l'un
des discours pourtant touchant et plein d'humilité
lu par le père de la DB, texte respectant
la simplicité du Général
jamais attiré par les compliments, pourtant
toujours mérités. Mais simplement
par ce cocktail, cet ensemble symbolique. Une
symbiose quasi parfaite entre l'Armée
de Leclerc et la foi religieuse. Nous nous trouvons
dans l'une des nombreuses maison de Dieu, dans
l'un de ces lieux de paix où le Général
aimait se recueillir sereinement, pour mieux
se retrouver.
Un
des trois prêtres s'avance devant l'autel
et prend la parole pour lire un passage du testament.
Quel testament ? Je ne m'en souviens malheureusement
pas. Cette sainte lecture me frappe par son
contenu. J'ai l'impression qu'il s'agit d'une
description minutieuse du caractère du
vainqueur de Koufra. Pourtant il s'agit bien
d'un texte issu des livres sacrés. Tout
y est bonté, droiture et respect. En
prenant tout le recul nécessaire pour
analyser cette troublante ressemblance, qui
a mes yeux est plus proche de la prédiction
que d'un banal hasard dû au simple choix
de lecture d'un prêtre, on peut mieux
comprendre la grande foi qu'éprouvait
Leclerc. Peut-être a-t-il lui-même
lu ce passage durant sa trop courte existence
? Alors, peut-être, s'en est-il servi
comme conduite à respecter, à
tendre vers ?
A
peine la cérémonie touche t'elle
à sa fin que les huit drapeaux se dressent,
d'un même mouvement, sur leurs ergots
de fer pour saluer le terme de cette communion.
Ils se dirigent ensuite vers la sortie pour
se placer sur le parvis extérieur de
la chapelle. Immobiles, ils forment une haie
des honneurs pour accompagner le retour dans
le quotidien des fidèles gars de Leclerc.
Les suivent énergiquement, de près,
les couleurs de leur Chef. Charles Pégulu
De Rovin, leur porteur, rempli fièrement
la tâche qui lui a été confiée.
Il vient se figer tout de suite sur la gauche
en sortant, précédent les drapeaux.
Pour que les anciens, en sortant, les saluent
d'abord, avant de passer en revue les autres
drapeaux.
Dans
ce lieu saint, une apparition ! Sa fille cadette,
Bénédicte. Une allure pleine de
sérénité et de grâce.
Un charisme certain se dégage de sa personne
et illumine son passage. En l'observant son
père m'apparaît presque. Nos regards
se croisent furtivement. Elle se dirige alors
vers la sortie. Entourée, submergée,
pressée par une cour constituée
d'une partie des compagnes des vieux grognards
de son illustre paternel. Elle reste de marbre
face à cette horde composée de
quelques épouses d'anciens, avec un mélange
de gentillesse et de distance. Le regard de
son père. La prestance de son père.
La simplicité de son père. C'est
bien la fille de son père !
Une
fois que la chapelle se soit entièrement
vidée de ses visiteurs, les drapeaux
sont soigneusement enroulés autour de
leur mât puis glissés dans leur
sacoche de cuir. Seules les couleurs du Général
continuent de braver le vent froid de la nuit.
Son accompagnateur, ou plutôt son un aide
de camp occasionnel, puisqu'il s'agit des couleurs
représentant le blason du Général,
est bien trop content de pouvoir prolonger leur
permission en les maintenant bien haut. Plus
proches de ces fameuses cinq étoiles
qui doivent briller dans l'univers des grands
hommes. On dirait un bâton de pèlerin
ou plutôt un panache blanc-ciel de ralliement.
Puis, tout à coup, d'un pas pressé,
les voilà qui disparaissent dans l'une
des allées extérieures de l'Ecole
Militaire, longeant la Chapelle. A sa vue les
étoiles se mettent à scintiller.
Sur le parvis restent quelques anciens, trop
contents d'éterniser ces retrouvailles
glorieuses, à la grande déception
de leurs frileuses et impatientes dames. Proche
de la porte de la Chapelle, le Général
Peschaud, en civil, se maintient péniblement
debout. Physiquement fatigué mais moralement
en pleine forme, et dont le visage semble comme
à moitié défiguré
par une sorte de paralysie. Son bras droit,
tendu et hésitant, cherche sa troisième
jambe de fortune : une canne surmontée
d'un pommeau argentée. Une proche la
lui remet tout en le soutenant. Un sourire plein
de vie jaillit de son visage et illumine l'esplanade.
Demain, malheureusement, il ne pourra être
présent
Mais je sais que sa pensée
sera tournée vers son cher et aimé
Général.
En
sortant de l'Ecole Militaire, la Tour Eiffel
semble, à sa manière, participer
à la cérémonie commémorative
: comme un phare de ralliement, cette sentinelle
de fer éclaire, avec ses deux puissants
faisceaux lumineux, la nuit qui enveloppe fraîchement
la Capitale de France.
Cette cérémonie religieuse, plus
qu'un rappel à la mémoire, me
donne comme l'impression que l'on aurait célébré
la sainte nativité avec un bon mois d'avance.
D'ailleurs ne vient-on pas de célébrer
la naissance d'un être d'exception ? En
y repensant, la source de cette atmosphère
apaisante ressentie en début d'office,
est peut-être à chercher dans la
phrase, pleine de signification, annoncée
par l'ancien aumônier de la 2ème
DB. Elle disait à peu près ceci
: " (
) Philippe Leclerc de Hauteclocque
n'est pas mort ! Le seigneur l'a simplement
rappelé auprès de lui pour le
retirer de ce monde impur et indigne de le garder
(
)" En prenant le recul nécessaire
pour analyser au plus profond cette annonciation,
on se sent immédiatement moins peiné
par sa tragique disparition, survenue bien trop
tôt pour nous tous. Car l'Esprit Leclerc
se trouve en chacun d'entre nous, comme notre
foi en Jésus Christ.
Paris,
lieu haut en symboles pour la 2ème DB,
est le lieu désigné pour commémorer
publiquement son libérateur. Ce 22 novembre
2002 est un jour typiquement automnal : temps
frais dont le ciel est, en majorité,
une succession d'éclaircies traversées
par quelques gros nuages gris blanc qui, lorsqu'ils
cachent l'astre solaire, rafraîchissent
l'atmosphère.
Le
métro fut le moyen le plus sûr
pour ne pas arriver en retard. Je ne me serais
pardonné cet écart : surtout ne
rien manquer de cette journée si particulière
! Station Invalides. Pas de gymnastique de rigueur,
comme au temps du Service National, entre la
sortie du métro et le majestueux portail
servant d'entrée principale des Invalides.
Pour y pénétrer il faut signifier
l'objet de sa visite à un gendarme :
"c'est pour la cérémonie
ou le musée ? ". Devant nous s'étale
une grande allée bombée, faite
de pavés luisant au soleil. Elle mène
droit à l'accès de la cour. Plusieurs
bus se reposent sur son bas côté.
Juste avant de pénétrer dans la
cour des Invalides, dont l'entrée est
une grande arche taillée dans l'aile
Ouest du bâtiment, se trouve, sur la gauche,
l'imposant Command Car du Général.
Tel un cerbère, ce monstre mécanique
garde et observe le passage. A ses côtés
se tient debout, sous le calot marine à
liseré rouge du RMT, le porte-drapeau
des couleurs du patron. Le même aide de
camp qu'hier au soir. En me voyant approcher
de lui et du mastodonte, dont on ne sait pas
qui d'entre les deux protège l'autre,
il me lance un "Comment va la troupe ?".
Je lui réponds, en orientant mon regard
en direction des uniformes du RMT, que "c'est
à eux qu'il faut le demander ! ",
n'étant moi-même qu'un civil sans
histoire par rapport à cette historique
unité militaire. Pour conclure ce bref
échange il m'annonce, par une boutade
digne de lui, qu'il "ne marche pas. Je
ne me déplace qu'en voiture ". Et
quelle voiture !
Il
est un peu moins de 10h00 lorsque je pénètre
au cur du monument. Une très grande
majorité des anciens est déjà
en place. Comme si hier au soir, après
la messe commémorative, ils s'étaient,
d'un même élan, tous dirigés
vers les Invalides pour y planter leur campement.
Bel exemple de ponctualité pour la jeunesse
! L'aile sud de la Cour leur est réservée
La prise d'armes en l'honneur de leur illustre
chef doit avoir lieu à partir de 10h
/ 10h30. Elle ne débutera que sur les
coups de 11h00. Attente des personnalités
oblige. Est prévue de longue date la
Ministre de la Défense, Michèle
Alliot-Marie. Il y a une semaine encore, la
venue du Président de la République
était espérée.
Au centre de ce valeureux regroupement d'anciens,
s'est naturellement constitué ce que
j'appellerai le groupe. Solidaire et compact.
Pareil à une tête de pont, il est
un peu décalé en avant par rapport
à la ligne formée par les anciens.
Juste devant le pupitre, encore vide. Il est
constitué des vraies personnalités
de la cérémonie : la famille du
Général. Il y a là, reconnaissable
entre toutes, sa cadette, Bénédicte,
accompagnée de sa progéniture
et arrière-progéniture. A sa gauche
deux de ses aînés. Cinq paires
d'yeux d'un bleu clair et cristallin font revivre,
en les regardant, le regard vif de l'homme qui
fut le guide des troupes les encadrant aujourd'hui.
Quelques sièges sont disposés
derrière lui, pour soulager l'âge
des artères les plus touchées.
Au final la plupart des sièges resteront
vides. Quelques anciens, encore bien verts,
iront même jusqu'à escalader les
gardes-barrières séparant le bâtiment
de la cour ! Ce pour se surélever afin
d'apercevoir au mieux les intervenants qui défileront
au pupitre. Comme l'impression d'avoir affaire
à de grands enfants ne sachant pas tenir
en place ! Vous avez dit colonne volante Leclerc
? Je comprends toute sa signification à
la vue de ce spectacle !
Sur sa droite se trouvent les fameux drapeaux
! Il y a là trois rangées tricolores,
composées chacune d'une douzaine de drapeaux.
Toute la fabuleuse histoire de l'épopée
Leclerc est représentée au travers
de ces trophées en étoffe. Nos
regards, remplis d'excitation et d'admiration,
cherchent à distinguer un insigne célèbre
ou le nom mythique d'une bataille. Dès
que l'origine d'un drapeau est devinée,
un sourire cicatrise de plaisir nos visages
! Quels merveilleux emblèmes ! Ils sont
là, droits et fiers, claquant au vent.
Lorsque leurs porteurs les basculent en avant,
comme pour mieux déchiffrer leurs écritures
faites de fils d'or, ces tissus bleu-blanc-rouge
s'ébrouent à la moindre caresse
d'éole, tels des chevaux racés
à la crinière d'or. A ce moment
là les porte-drapeaux ressemblent à
des écuyers. Les chevaux qu'aimait tant
Philippe De Hauteclocque. Ces drapeaux sont
les siens et représentent sa cavalerie
victorieuse. Dans ce moment là on ne
peut s'empêcher de penser à son
fidèle Iris XIV, qui, d'un bref et violent
coup de sabot, terrassa l'irrévérencieux
officier allemand, décidé à
le monter. La pauvre monture fut abattue sur
le champ
Après la prise du Fort
d'El-Tag, de l'oasis de Koufra, Leclerc, dans
l'édition de son ordre du jour, y annonça
: "Nous ne sommes pas encore prêt
pour l'esclavage ! ". Son pur-sang était
de la même trempe !
Sur sa gauche sont réunis les gars de
Leclerc. Comme s'ils avaient reçu un
appel intérieur de rassemblement, ils
ont automatiquement reformé les unités
qu'ils composaient au sein de la DB. Il y a
là les calots rouges du RMSM, reconnaissables
entre tous, ceux marine à liserés
rouges du célèbre RMT, ceux bleu
ciel du 501ème RCC
Chaque homme
porte fièrement les décorations
reçues au combat, mais encore plus fièrement
l'insigne qui le rattache à sa glorieuse
unité, comme pour montrer son appartenance.
Mais tous, sans exception, portent à
l'unisson le plus bel insigne qu'ils aient reçu
: celui fait d'un émail bleu nuit surmonté
d'une carte d'or de la France sur laquelle ressort
la Croix de Lorraine, symbole de ralliement
des Free French. Cet insigne prouve que l'on
peut appartenir à une Division de renommée
tout en formant en son sein plusieurs unités
de valeur. Division et Unité : quelle
alliance réussie ! Leclerc lui-même
dira que ce fut sa plus belle victoire !
Blotties imperceptiblement entre ces vieux grognards
et les membres de la famille du Maréchal,
quelques Rochambelles discutent discrètement.
Cette longue rangée disciplinée
est impatiente de rendre les hommages à
son prophète, de la manière la
plus naturelle qu'il soit à son égard
: en passant en revue les unités qui
se sont déplacées pour l'occasion.
Et ce au cur même de l'ancien centre
névralgique militaire de la capitale,
les Invalides.
Quelques élèves de collège
sont présents et accoudés à
la rambarde du 1er étage surplombant
la cour.
Tout
à coup un tremblement secoue nos corps.
Une avalanche vrombissante semble s'infiltrer
par l'arche d'entrée, par laquelle nous
sommes arrivés dans la cour. Il s'agit
juste d'une invasion de tambours de la fanfare
militaire qui, comme s'ils sonnaient la charge,
annoncent l'entrée du défilé
prévu pour l'occasion. Ce bruit est largement
amplifié par l'écho créé
sous l'arche. Cette bruyante marche de tambours,
cet électrochoc auditif est le parfait
tremplin pour entonner la Marseillaise. Cet
hymne patriotique, accompagné de ce roulement
sourd, nous transporte aux plus belles épopées
des glorieux champs de batailles de nos vainqueurs
de légende. On pense alors à la
Grande Armée de Napoléon sonnant
la charge dans la plaine de brouillard d'Austerlitz.
Cette fois-ci elle sonne le rassemblement des
anciens de la 2ème DB sous les plis du
Général Leclerc. La statue de
Napoléon, dans sa traditionnelle position
main droite enfouie dans son manteau, dominée
par le dôme doré des Invalides,
n'observe t-elle pas d'un air intéressé
cette scène se déroulant à
ses pieds ? L'empereur lui-même n'aurait
pas renié un si glorieux Maréchal.
Tant de points communs militairement les réunissent.
La musique militaire est tout de suite suivie
par un détachement d'élèves
de Saint-Cyr, suivit du RMT de Noyon, lui-même
suivit de la 2ème DB. Les trois fleurons
de l'épopée de Leclerc, qui pour
l'occasion se suivent chronologiquement, ne
pouvaient faire autrement que d'être présents
en ce jour. Pour Saint-Cyr, il eut une influence
considérable. En plus d'avoir fait partie
des majors de la célèbre promotion
Metz & Strasbourg, Hauteclocque, durant
ses années d'instructeur, marqua à
vie, de par son caractère droit et pur,
ses élèves. En ce qui concerne
les deux autres unités, c'est grâce
à lui qu'elles virent le jour. Elles
le lui rendirent par des faits tous plus glorieux
les uns que les autres.
Plusieurs autres groupements suivent les précités.
Tous passent les uns après les autres
devant les anciens de la 2ème DB et devant
les enfants du Général. Chacun
ira se poster à son emplacement qui lui
est assigné.
Les
quelques visiteurs du musée, se trouvant
sur la coursive du 1er étage, sont à
la fois ravis d'avoir la chance de voir ce spectacle
mais également impressionnés par
tous ces détachements : " Mais en
quel honneur sont-ils là ? " Telle
doit être la question les rongeant.
Le lieutenant-colonel de Reboul, chef de la
garnison du RMT, est le premier à passer
en revue les effectifs. Une fois l'opération
terminée, il vient se poster, ou plutôt
se figer, à une cinquantaine de mètres
face à l'entrée de la cour. Comme
une sentinelle prête à accueillir
les futures personnalités. On attend
avec lui. Patiemment
Impatiemment
Pour aider à patienter est distribué
un message du Président de la République,
Jacques Chirac. Bref éloge en l'honneur
du Général Leclerc. En conclusion
de son texte est repris le célèbre
souhait du Général De Gaulle "
Enfants de France rêvez de devenir un
jour des Leclerc ! ".
Quelques généraux d'active, d'autres
en retraite, arrivent au compte-gouttes. Un
jeune homme en civil vient les accueillir, ou
disons plutôt les cueillir pour venir
les présenter aux enfants Hauteclocque.
Puis tous vont se placer autour de cette famille,
comme pour leur servir de Garde Impériale.
|
|
Sébastien
Boeuf (à droite) et son Père
|
Le
Colonel Claude Mademba Sy
|
|
|
Le
Ministre des Anciens Combattants
|
Les
couleurs du Général Leclerc
|
Le
Ministre des Anciens Combattants arrive discrètement
à la place de MAM. Il n'était
pas prévu. Mais vu son titre il apparaît
logique qu'il soit au milieu de ces valeureux
anciens combattants, qu'il représente
au gouvernement actuel.
La cérémonie peut commencer !
Pour respecter le protocole, lui aussi va passer
en revue les troupes présentes. Puis,
au terme de sa revue, il s'approche du pupitre
placé au milieu de l'espace, en face
des enfants du Général. D'une
voix claire et pleinement audible, il lit un
discours simple mais plein de reconnaissances
à l'égard de la mémoire
du Général Philippe Leclerc de
Hauteclocque, Maréchal de France. On
sent une réelle sincérité
dans ses propos. Il n'aurait pas préparé
son élocution qu'il aurait quant même
trouvé les mots justes. La sincérité
ne trompe pas. Pour le libérateur de
Paris il n'y a pas de fioritures à rajouter.
Tout est clair et pur. Comme l'être qu'il
fut.
Le Ministre est ensuite relevé par un
ancien du I/RMT, le colonel Claude Mademba Sy.
Lui, en toute humilité, a préféré
lire le discours que leur Patron lu lors du
rassemblement de Fontainebleau, le 22 juin 1945.
Ce célèbre discours qui ébranla
plus d'un de ses solides gaillards du Tchad.
Il leur annonça son départ de
la DB, son unité. Il transmis alors le
fanion de la Division à son plus fidèle
parmi les fidèles, Louis DIO. Le timbre
de voix de Mademba-Sy n'est pas le même.
On n'arrive pas à se faire transporter
des Invalides à Fontainebleau, pourtant
à peine distantes de 50 kms. Peut-être
parce que justement nous n'y étions pas,
nous les jeunes du XXIème siècle.
Le résultat escompté n'est malheureusement
pas au rendez-vous. Peut-être les mots
de Leclerc n'appartiennent qu'à lui et
que dans la bouche d'un autre ils n'ont pas
la même portée. Ce que l'on retiendra
tout de même de son intervention, c'est
que c'est un africain qui aura pris la parole
pour représenter tous les anciens. L'Afrique,
continent qui l'a révélé
et repris pour l'éternité. L'Afrique
continent originel de l'humanité. L'humanité
l'une de ses plus grandes qualités :
Free French ou pas, européens ou pas,
il acceptait tout le monde sans distinction
aucune. La grandeur de Leclerc se retrouvait
également dans ce trait de caractère.
Pour tirer le rideau sur cette représentation
en plein air, la fanfare entonne les notes de
musique de l'hymne de la 2ème DB. Les
anciens ne se font pas prier pour l'entonner
à gorges déployées !
Il est midi, tout ce petit monde quitte les
lieux. Les bus se réveillent de leur
sieste et font ronfler leur moteur pour faire
activer les troupes : les anciens sont invités
à déjeuner à l'Hôtel
de Ville, les militaires d'actives à
retrouver leur popote.
A
l'Hôtel de Ville de Paris des portiques
de sécurité sont placés
de part et d'autre des différents accès
de la salle qui leur est réservée.
Peut-être s'imagine-t-on que ces glorieux
anciens ont dû, par mégarde, garder
sur eux un vieux fusil-mitrailleur ? ! Ca fait
pourtant belle lurette qu'ils ont déposé
les armes de la guerre pour conquérir
les lauriers de la paix ! Surtout que la récente
victime des lieux, le Maire de Paris, s'excusera,
par l'intermédiaire d'un courrier, de
son absence non-prévue. Son adjointe,
Mme Hidalgo, en informe les invités lors
de son discours.
Pour le repas, une épouse d'un ancien
du 501ème RCC, m'avouera, au Mémorial
Leclerc, qu'il s'agissait d'un buffet froid.
A priori, à la vue de ce service, l'ambiance
environnante pris elle aussi un sacré
coup de
froid !
Au cours de ce dîner frugal, le Président
de l'Association des Anciens, Mr Martin, prononcera
un discours, dont l'introduction fut faite de
remerciements de principes à l'égard
de l'absent du jour et le contenu orienté
vers la mémoire du Général
Leclerc. Un peu d'émotions n'a pas dû
être de trop pour réchauffer les
convives mais pas leur buffet
A 16h00 doit avoir lieu, sur Montparnasse, la
première de l'exposition organisée
au Mémorial du Maréchal Leclerc
à Paris : " La Légende d'un
Héros "
Il est 15h00, l'heure de se diriger vers le
plus célèbre des PC du Général
Leclerc : la gare Montparnasse, symbole fort
de la libération de la capitale. Il y
a quelques années, en signe de ce fait
historique, la Ville de Paris, en remerciement,
y a fait construire au-dessus le Mémorial
Leclerc. Une exposition retraçant les
45 ans de vie du Général y est
organisée jusqu'au 8 mai 2003. Une fois
devant l'entrée du musée, pas
besoin de montrer le sésame pour y entrer.
Les portes s'ouvrent en grand devant chaque
arrivant. Pour les anciens Free French c'est
une preuve de reconnaissance. Pour les sans-histoire
comme moi, une invitation à la découverte
du personnage. Les invitations, initialement
prévues et distribuées pour l'événement,
pourront donc être utilisées ultérieurement.
Pour une visite plus solitaire et donc plus
calme. Leclerc ouvert à tous. Ce qu'il
a été sa vie durant.
Dans la petite bibliothèque du rez-de-chaussée
se trouve, en bonne place, un grand nombre de
cet ouvrage édité pour l'occasion
: " la Légende d'un Héros
" de la conservatrice des lieux, Christine
Levisse-Touzé. Beau livre relié.
La photo de couverture est superbe : le Général
y est troublant de vie ! 29 €uros. Peu
importe le coût. L'argent des choses de
qualité et de valeur sentimentale n'a
pas de prix.
16h00. Les brebis égarées dans
les grandes allées de l'Hôtel de
Ville commencent à affluer à la
bergerie. Elles viennent à leur tour
rendre hommage, de par leur présence,
au lieu dévolu à la mémoire
de leur berger. Tout ce beau monde est réuni
dans la salle ovale du 1er étage, salle
servant de lien physique entre la partie dédiée
à Jean Moulin et celle au Général
Leclerc. Nouveaux discours de Mme Hidalgo et
de Mr Martin. Ce dernier en profite pour remettre
à Mme Levisse-Touzé un exemplaire
de la médaille commémorative des
100 ans de Leclerc. Geste de remerciement sincère
de la part de l'Association des Anciens de la
2ème DB envers celle qui a monté
l'exposition et rédigé l'ouvrage.
Pour conclure son intervention il invite le
colonel Courdesses à venir interpréter,
sur l'estrade, l'hymne de la DB. " Ne m'attendez
pas pour vous lancer ! ", commence-t-il
par annoncer à l'assemblée. Leur
illustre Général n'en aurait pas
dit moins : initiative toujours demandée
! Les anciens ne se privent pas pour s'époumoner,
au risque de s'effondrer par la suite. La salle
se prête à ce chant glorieux :
le bruit y est bien réfléchi.
Bénédicte, seul enfant du Général
à être encore présente,
accompagnée de son mari, de son fils
et de ses petits-fils, fredonne l'air rendant
gloire à l'unité mise sur pieds
par la forte volonté de son père.
On n'entend pas sa discrète voix, mais
on distingue le léger mouvement de ses
lèvres.
La fin du chant marquera le terme de cette suite
d'interventions. Les personnes présentes
sont alors invitées à visiter
l'exposition en question, officiellement déclarée
"ouverte ". Pendant ce temps, un des
arrière petit rejeton de Leclerc s'est
assis à même le sol de la salle
ovale. Comme à bout de force. Juste sous
un panneau regroupant plusieurs photos de son
célèbre aïeul. Sa grand-mère,
en voyant la scène, semble touchée
par cette symbolique : un sourire plein de tendresse
éclaire son visage. Elle interpelle son
fils pour lui signifier que son petit semble
bien fatigué.
Pas
un instant n'est à perdre : à
18h est prévu le ravivage de la flamme
du soldat inconnu, sous l'Arc de Triomphes.
A un peu moins de 18h00, sous un ciel étoilé
et dans un froid glacial, se sont regroupés
en une grosse colonne les quelques anciens qui
ont voulu souffler la grosse bougie de circonstance
: celle de la flamme du soldat inconnu. Bougie
pour l'anniversaire du Centenaire du jour. Cette
colonne se trouve sur le haut de la plus célèbre
avenue du Monde. Juste à côté
de la Place de l'Etoile.
Les
rangs se sont nettement clairsemés depuis
hier au soir. De nombreuses pertes sont à
déplorées. J'ai bien peur que
de valeureux anciens, malheureusement hors de
combat, doivent joncher le glorieux parcours
Ecole Militaire, Invalides, Hôtel de Ville,
Mémorial de Montparnasse, Arc de Triomphe.
Mais ce maigre bataillon d'un autre âge
a tout de même fière allure.
A sa tête se sont portés une douzaine
de drapeaux prêts à battre le pavé
des Champs Elysées. Quelle symbolique
cela va faire entre la plus glorieuse de nos
unités militaires et la plus belle avenue
du Monde ! Ce défilé ira alors
directement se rendre sous l'Arc de Triomphe.
Pour l'instant les pointes d'or des drapeaux
sont orientées en direction de la Concorde.
Ils sont suivis de Bénédicte et
sa descendance. Comme s'il s'agissait du PC
avant de son père : toujours plus proche
des hommes les plus avancés au combat
! Puis suit le gros de la troupe, chaudement
emmitouflé, aligné en quatre rangées.
Tout ce bataillon est sagement et discrètement
rangé de façon parallèle
à la sortie de la station RER Charles
De Gaulle - Etoile. L'arrière de ce peloton
se trouvant au niveau de la plaque commémorative
du 11 novembre 1940 : Que de lieux prestigieux
visités tout au long de cette journée,
pour honorer la mémoire de Leclerc !
Tous ces noms mythiques auront été
présents pour commémorer le siècle
d'âge de ce digne fils de la France !
Quelques policiers resserrent les rangs et cherchent
à y intégrer les derniers retardataires.
M'estimant indigne de figurer parmi ce détachement
historique, le souterrain, menant à la
monumentale arche des triomphes napoléoniens,
me suffira pour me rendre sur le dernier sanctuaire
commémoratif de ce vendredi saint. Pourtant,
ce n'est pas l'envie de suivre ces fiers drapeaux
qui me manque !...
" C'est pour la DB ! ". C'est par
cette brève et pressée réponse
que je franchis l'ultime barrage policier menant
directement sous l'arche. Pour appuyer la parole
rien de mieux qu'une pièce irrévocable
: d'un geste précis, qui s'avérera
décisif, j'entrouvre ma veste de cuir
pour faire apparaître mes décorations
de circonstance. Sur ma poitrine, épinglées
sur la veste de mon complet noir, se trouvent
l'insigne du RMT et celle du la 2èmeDB.
Elles m'ont servi de précieux sésame
! La première fut achetée lors
de la vente de charité de la DB courant
novembre 2001. La seconde faisait partie d'un
lot des éditions Atlas acheté
dans un Relais H. Numéro retraçant
sommairement l'épopée de la DB.
Tout à coup, postée sur la partie
Est de l'arche, dans l'axe de l'avenue des Champs,
la fanfare s'ébroue et, sur un air militaire,
sonne le signal de marche pour le bataillon.
Sur la plus belle avenue du Monde les anciens
avancent au pas pour venir se regrouper autour
de la célèbre flamme du plus connu
des inconnus. Leur traversée n'aura durée
qu'une minute à peine. Durant leur passage,
sur la très encombrée Place de
l'Etoile, les voitures s'immobilisent comme
le firent par le passé les chars de la
Division afin de protéger le cortège
historique du 26 août 44.
Les drapeaux viennent former deux rangées
sous l'arche Ouest. Ils claquent au vent. Pour
éviter qu'elles ne se déchirent,
leurs crinières sauvages sont rabattues
sur leur mât, maintenues par une main
gantée de cuir.
Le faible filet de la flamme des grandes occasions,
ondule face à l'immobile et majestueux
Obélisque de la Concorde. Sur sa droite
se tiennent, debout, les fidèles de Leclerc.
Sur sa gauche une chorale, composée de
jeunes enfants. Cette dernière, de sa
voix douce et juvénile, entonne la Marseillaise.
Les anciens, porteurs des drapeaux, la fredonnent
entre leurs lèvres. Puis la fanfare l'accompagne
dans son interprétation de l'hymne de
la 2ème DB. A mes côtés,
le porteur du drapeau de l'amicale des Hauts-de-Seine,
chante doucement cet air de ralliement qui fut
le sien lorsqu'il servait au IIIè/RMT,
de sept 44 à juin 45. Un léger
sourire illumine son visage, tanné par
le froid, et trahit son intense plaisir que
d'être présent en ce moment. Il
est heureux et ça se voit. Un bonheur
simple qui vous réchauffe le corps.
Un vieux Général quatre étoiles,
ceinturé d'un bandeau bleu roi, à
l'aide d'une sorte d'épée, actionne
l'anneau de laiton encerclant la flamme. Il
est aidé dans le geste par deux autres
généraux, ceux là en activité.
La flamme du soldat inconnu, tombé pendant
la 1ère GM, est ainsi ravivée
en l'honneur du plus illustre Général
français de la 2nde GM.
Re-chant de la 2ème DB. Les porte-drapeaux
sont toujours prêts à s'époumoner
pour lui. Cette fois, comme sentant que ça
allait être la dernière de la journée,
ils la chantent un peu plus fort.
Derniers roulements de tambours. Les personnalités
présentes sont invitées à
venir signer le livre d'or, se trouvant sous
l'arche Sud. Ce sont deux des arrière-petits-fils
du Général Leclerc qui prennent
la plume les premiers. Leur grand-mère,
Bénédicte, est également
priée de suivre le mouvement. Mais elle
force le passage pour, d'abord, aller remercier
chaleureusement les enfants de la chorale, accompagnée
de leur professeur - chef d'orchestre. Elle
est sincèrement touchée de leur
déplacement par un temps si froid et
pour une cause si malheureusement peu connue.
Dans cette réaction on reconnaît
un peu du caractère que devait avoir
son père : " Personne ne m 'empêchera
de partir ! ", avait-il lui-même
lancé à l'assistance alors présente
peu avant son tragique envol vers Colomb-Béchar.
Personne n'empêchera sa fille de suivre
sa volonté ! Je ne suis même pas
sûr que le livre d'or ait une trace du
passage de la fille cadette du Maréchal
de France. Je ne l'ai pas vu se pencher dessus.
C'est par cette image symbolique que la journée
du 22 Novembre 2002 s'achève. Du début
à la fin sa cadette aura été
présente. Elle s'est fait un devoir que
de représenter sa célèbre
famille. Un devoir de plaisir, n'en doutons
pas. Elle a été exemplaire. Et
dire que ce bout de femme aurait pu changer
à tout jamais la face de l'Histoire de
la France, quand, en ce 21 juin 1940, elle sauta
de joie sur les genoux repus de son évadé
de père, venu rejoindre sa famille à
Libourne après un parcours truffé
d'embûches. N'a t'on pas dit ni écrit
qu'a ce moment là, à la vue de
cette scène pleine de tendresse paternelle,
Mme De Hauteclocque avait cru discerner, sur
le fin visage de son époux, comme un
sentiment de tentation le poussant en son for
intérieur à rester aux côtés
de sa grande et belle famille, idéal
refuge en ces temps de doutes ? ! Aujourd'hui
il peut être fier d'elle : elle ne l'a
pas empêché de filer vers ce destin
si fabuleux que l'on connaît aujourd'hui,
mais en plus elle est grande de par sa nature
saine et pure. " Pas une ombre au tableau
", pourrais-je reprendre à son égard
pour cette journée. Comme l'écrivit
en son temps Charles De Gaulle, dans une lettre
adressée à la veuve de son fidèle
Leclerc du Tchad.
L'échelle de temps Leclerc s'est arrêtée
le 28 novembre 1947. Grâce à l'Association
de ses Anciens elle a pu être prolongée
jusqu'à aujourd'hui et ce jusqu'au dernier
soupir de ses Free French. Mais ce sera à
nous de continuer à alimenter cette flamme
pure pour que ce fantastique esprit tende vers
l'éternel !
Vive
la France ! Vive Leclerc !