Ce qui suit est le temoignage de Christophe
Hildenbrandt concernant la photo ci-dessus.
"Chacun
voit midi à sa porte. Cette photo est pour
moi le symbole de l'attachement à la France
de l'Alsace et des Alsaciens durant la seconde
guerre mondiale. J'imagine qu'elle a du
faire chaud au cœur de nombreux spahis lorsqu'ils
ont délivrés Obernai. Ces spahis qui étaient
partis du Tchad en 1941, complétés par la
suite au fil des combats et des ralliements
Le 1° mars 1941, que représentait alors
Strasbourg et l'Alsace vus de Koufra pour
ces soldats? 3 ans durant, ils poursuivirent
un but, libérer la France et une chimère,
être les premiers à Strasbourg. Cette toile
a du constituer pour eux une reconnaissance
de la lourde tâche accomplie et un accueil
que l'on voulait rendre le plus chaleureux
possible.
Pour ma mère qui avait 11 ans ce jour, la
vision des spahis demeure un des très grands
moments de sa vie. Il n'y avait à l'époque
ni web, ni télé couleurs, ni journaux en
couleurs. Seuls certaines rares personnes
disposaient de la TSF, que l'on écoutait
religieusement. La radio ne vous accompagnait
pas tout au cours de votre journée.
Si en 1939-1940, à 6 ans/6 ans et demi,
ma mère a peut-être vu quelques rares soldats
français, il ne lui sont pas restés en mémoire.
Obernai, n'est pas au bord du Rhin et n'a
pas fait partie de la zone évacuée en 1939.
Par contre, elle a eu 4 ans pour "s'habituer"
au soldat habillé en feldgrau. Mon grand-père
avait pris, comme d'autres, le risque mortel
de cacher le drapeau français, au lieu de
le détruire ou de le remettre aux autorités.
Il décorait bien sagement sa demeure avec
le drapeau à croix gammée, "offert" par
les autorités nazies, les jours de "fête".
Il valait mieux ne pas "oublier" cette décoration.
Le 27.11.1944, il eut enfin la joie d'arracher
ce drapeau, qui finit au feu, et de le remplacer
par le drapeau tricolore. Il s'était pour
ce faire, servi de la hampe allemande, noire
à pointe argentée. 55 ans après, c'est toujours
le même drapeau et la même hampe. Je répugne
à la changer. C'est pour moi un souvenir
de guerre.
Mais
je souhaite revenir sur cette libération
datée du 26 novembre. Samedi le 25, Obernai
était investie par les soldats allemands
qui étaient d'ailleurs éparpillés et perdus.
Ils ont disparus le 26 au matin, à l'exception
de quelques uns.
Le dimanche 26.11. il pleuvait, personne
ne sortait, sauf pour les taches indispensables.
C'était le calme plat avant l'orage. Au
soir, des soldats américains entrèrent par
un sentier en venant de Boersch (Ouest).
Les Leclerc avaient eux porté une reconnaissance
par Niedernai (Est). Voyant les américains,
ils se retirèrent. Certains prétendent que
les Leclerc furent les premiers. Mes grand-parents
hébergeaient des réfugiés. Leur bonne en
allant chercher le lait vers 18h, route
de Boersch a rencontré des américains .
Elle n'a pas compris ce qu'ils lui disaient.
Les cours de langues n'étaient pas encore
monnaie courante. Elle a couru pour rentrer.
Effrayée. Elle arriva essoufflée et affirma
qu'on ne les entend pas. Ils ont des bottes
en caoutchouc dit-elle. Mon grand-père les
a rencontrés dans un autre quartier. Les
soldats lui ont fait signe de partir et
de rentrer chez lui. On attendait la bagarre.
A ce moment, il faisait déjà nuit.
Il y eut quelques combats durant la nuit
du 26 au 27. Le 27 au matin, ma mère et
mon grand-père se rendirent en ville vers
9h. A ce moment, ils étaient encore en dehors
des lignes. Ils virent deux cadavres de
soldats allemands qui avaient pour mission
de tenir l'entrée Sud. Arrivés sur la place
du marché ou se trouve la Halle aux Blés
au fronton de laquelle était alors accroché
"Le Bliekast", il y avait beaucoup d' Obernois
et de soldats américains casqués. L'atmosphère
était joyeuse. Ma mère fut très surprise
par les jeeps. Véhicules découverts, sans
portes, ni toits. Elle crut d'abord qu'il
s'agissait de véhicules endommagées. On
était loin des voitures fermées allemandes.
C'est
entre 10 et 11h que les premiers chars français,
sur lesquels étaient juchés des spahis en
calot rouge firent leur apparition. Ce fut
la liesse. Une énorme clameur s'éleva de
la foule: "D'Franzose!" Les Français! (en
Alsacien et en VO dans le texte). Car, si
l'on avait attendu leur retour avec impatience,
la langue maternelle était l'alsacien. A
cette époque tout le monde ne parlait pas
bien le français. Mais on se donnait du
mal pour le parler. Et si 4 ans durant l'allemand
était obligatoire et l'usage du français
valait un séjour à Schirmeck (antichambre
des camps de concentration), les Alsaciens
tournèrent l'obligation en parlant alsacien
tant que faire se pouvait.
Et
pour les Obernois de cette génération, ce
furent les Leclerc qui libérèrent Obernai.
Aujourd'hui,
à 66 ans, ma mère garde le souvenir de ces
calots rouges qui continuent pour elle de
symboliser l'armée française et la libération.
Depuis elle nourrit beaucoup d'admiration
envers la 2°DB et le général Leclerc. Voilà,
cet historique succin d'une des libérations
d'une localité française, parmi tant d'autres
par la 2° DB n'a d'autre ambition que d'enrichir
vos archives. Il n'y a dans ces quelques
lignes rien d'éclatant. La libération d'Obernai
ne fut pas la prise du pont d'Alençon, mais
c'est par la collecte d'informations, mêmes
anodines que vous parviendrez à étoffer
votre site. Bon courage et merci pour la
photo."
Christophe
Hildenbrandt