La Libération d'Obernai



A peine libérés, les villages d'Alsace se couvrent comme par enchantement des drapeaux tricolores pieusement conservés quatre années durant, au mépris de l'occupant.

A Obernai , c'est ce drapeau peint aux couleurs alliée, symbole de confiance et de fidelité, que nos spahis voient deployer quelques heures après leur arrivée. Menacés par les perquisitions, tour à tour huit Obernois en avaient, depuis un an, assuré la garde."Il y a deux choses éternelles La France et notre fidélité"

 

Ce qui suit est le temoignage de Christophe Hildenbrandt concernant la photo ci-dessus.

"Chacun voit midi à sa porte. Cette photo est pour moi le symbole de l'attachement à la France de l'Alsace et des Alsaciens durant la seconde guerre mondiale. J'imagine qu'elle a du faire chaud au cœur de nombreux spahis lorsqu'ils ont délivrés Obernai. Ces spahis qui étaient partis du Tchad en 1941, complétés par la suite au fil des combats et des ralliements

Le 1° mars 1941, que représentait alors Strasbourg et l'Alsace vus de Koufra pour ces soldats? 3 ans durant, ils poursuivirent un but, libérer la France et une chimère, être les premiers à Strasbourg. Cette toile a du constituer pour eux une reconnaissance de la lourde tâche accomplie et un accueil que l'on voulait rendre le plus chaleureux possible.

Pour ma mère qui avait 11 ans ce jour, la vision des spahis demeure un des très grands moments de sa vie. Il n'y avait à l'époque ni web, ni télé couleurs, ni journaux en couleurs. Seuls certaines rares personnes disposaient de la TSF, que l'on écoutait religieusement. La radio ne vous accompagnait pas tout au cours de votre journée.

Si en 1939-1940, à 6 ans/6 ans et demi, ma mère a peut-être vu quelques rares soldats français, il ne lui sont pas restés en mémoire. Obernai, n'est pas au bord du Rhin et n'a pas fait partie de la zone évacuée en 1939. Par contre, elle a eu 4 ans pour "s'habituer" au soldat habillé en feldgrau. Mon grand-père avait pris, comme d'autres, le risque mortel de cacher le drapeau français, au lieu de le détruire ou de le remettre aux autorités. Il décorait bien sagement sa demeure avec le drapeau à croix gammée, "offert" par les autorités nazies, les jours de "fête". Il valait mieux ne pas "oublier" cette décoration.

Le 27.11.1944, il eut enfin la joie d'arracher ce drapeau, qui finit au feu, et de le remplacer par le drapeau tricolore. Il s'était pour ce faire, servi de la hampe allemande, noire à pointe argentée. 55 ans après, c'est toujours le même drapeau et la même hampe. Je répugne à la changer. C'est pour moi un souvenir de guerre.

Mais je souhaite revenir sur cette libération datée du 26 novembre. Samedi le 25, Obernai était investie par les soldats allemands qui étaient d'ailleurs éparpillés et perdus. Ils ont disparus le 26 au matin, à l'exception de quelques uns.

Le dimanche 26.11. il pleuvait, personne ne sortait, sauf pour les taches indispensables. C'était le calme plat avant l'orage. Au soir, des soldats américains entrèrent par un sentier en venant de Boersch (Ouest). Les Leclerc avaient eux porté une reconnaissance par Niedernai (Est). Voyant les américains, ils se retirèrent. Certains prétendent que les Leclerc furent les premiers. Mes grand-parents hébergeaient des réfugiés. Leur bonne en allant chercher le lait vers 18h, route de Boersch a rencontré des américains . Elle n'a pas compris ce qu'ils lui disaient. Les cours de langues n'étaient pas encore monnaie courante. Elle a couru pour rentrer. Effrayée. Elle arriva essoufflée et affirma qu'on ne les entend pas. Ils ont des bottes en caoutchouc dit-elle. Mon grand-père les a rencontrés dans un autre quartier. Les soldats lui ont fait signe de partir et de rentrer chez lui. On attendait la bagarre. A ce moment, il faisait déjà nuit.

Il y eut quelques combats durant la nuit du 26 au 27. Le 27 au matin, ma mère et mon grand-père se rendirent en ville vers 9h. A ce moment, ils étaient encore en dehors des lignes. Ils virent deux cadavres de soldats allemands qui avaient pour mission de tenir l'entrée Sud. Arrivés sur la place du marché ou se trouve la Halle aux Blés au fronton de laquelle était alors accroché "Le Bliekast", il y avait beaucoup d' Obernois et de soldats américains casqués. L'atmosphère était joyeuse. Ma mère fut très surprise par les jeeps. Véhicules découverts, sans portes, ni toits. Elle crut d'abord qu'il s'agissait de véhicules endommagées. On était loin des voitures fermées allemandes.

C'est entre 10 et 11h que les premiers chars français, sur lesquels étaient juchés des spahis en calot rouge firent leur apparition. Ce fut la liesse. Une énorme clameur s'éleva de la foule: "D'Franzose!" Les Français! (en Alsacien et en VO dans le texte). Car, si l'on avait attendu leur retour avec impatience, la langue maternelle était l'alsacien. A cette époque tout le monde ne parlait pas bien le français. Mais on se donnait du mal pour le parler. Et si 4 ans durant l'allemand était obligatoire et l'usage du français valait un séjour à Schirmeck (antichambre des camps de concentration), les Alsaciens tournèrent l'obligation en parlant alsacien tant que faire se pouvait.

Et pour les Obernois de cette génération, ce furent les Leclerc qui libérèrent Obernai.

Aujourd'hui, à 66 ans, ma mère garde le souvenir de ces calots rouges qui continuent pour elle de symboliser l'armée française et la libération. Depuis elle nourrit beaucoup d'admiration envers la 2°DB et le général Leclerc. Voilà, cet historique succin d'une des libérations d'une localité française, parmi tant d'autres par la 2° DB n'a d'autre ambition que d'enrichir vos archives. Il n'y a dans ces quelques lignes rien d'éclatant. La libération d'Obernai ne fut pas la prise du pont d'Alençon, mais c'est par la collecte d'informations, mêmes anodines que vous parviendrez à étoffer votre site. Bon courage et merci pour la photo."

Christophe Hildenbrandt

 


http://www.Marechal-Leclerc.fr.st
Tous droits réservés © 2002 http://www.Marechal-Leclerc.fr.st