Pierre Crosnier : un ancien de la 2e DB

Entrevue entre Pierre Crosnier et Michel Lopez, juin 1999

M.L. - Pierre Crosnier, vous êtes aujourd'hui président de la 2e D.B. en Loire-Atlantique. En juin 1940, à 18 ans, vous décidez de partir à Londres pour combattre aux côtés des Forces Françaises Libres. C'est le début d'un long périple qui, au sein d'une prestigieuse unité blindée, vous conduira, en 1945, jusqu'à Berchtesgarden. Que se passe-t-il dans la tête d'un gamin de 18 ans pour prendre une telle décision?

Pierre Crosnier - J'ai été élevé par mon grand-père maternel, commandant, écuyer du Cadre Noir à Saumur, qui m'a imprégné du sens du devoir et de l'amour de la Patrie. Tout naturellement, en juin 1940, n'ayant pas la possibilité de combattre l'envahisseur sur mon sol, je me suis dirigé vers celui où la lutte continuait.

M.L. - Combattre aux côtés du Général Leclerc paraît, avec le recul, comme un mythe d'une épopée glorieuse appartenant à l'histoire. Au quotidien, comment avez-vous vécu cette aventure? Et Quel sentiment vous inspirait ce personnage?

Pierre Crosnier - A la 2e D.F.L., devenue en août 1943 la 2e D.B., nous ne mesurions absolument pas l'impact historique de notre Chef. Nous ne nous doutions pas alors que notre division, "acceptée" par les Américains, sur l'insistance répétée du Général de Gaulle, afin que la France fut présente dans le débarquement de Normandie, aurait le parcours qui a été le sien par l'épanouissement des qualités manoeuvrières du Général Leclerc.

Nous avons tous été frappés par le témoignage de Foi religieuse et les qualités d'homme du Général et surtout par son regard qui à la fois vous glaçait et était irrésistible. Bien que trop tôt disparu en novembre 1947, les anciens de sa division sont toujours unis, 55 ans après, dans le souvenir de sa mémoire.

M.L. - Quelles leçons tirez-vous de ces 6 ans de guerre?

Pierre Crosnier - Ces 6 ans de guerre et ces 60 millions de morts civils et militaires sont la conséquence de la désunion et de la veulerie des démocraties. J'ai toujours à l'esprit ce qu'écrivait mon grand-père en 1933 et qui disait : " la passivité des démocraties devant l'arrogance et la désobéissance se paiera un jour par des flots de sang". Si à coup de fusils, si nécessaire, on avait alors refoulé Hitler de la Rhur et l'avions désarmé, avec peut-être quelques milliers de morts, nous n'aurions pas subi cette horrible hécatombe. Ceci prouve que la désunion et le pacifisme sont la "Mère" de tous les maux.

M.L. - Une légion d'Honneur, la médaille militaire, la croix de guerre et quelques autres médailles vous ont été décernées. Est-ce un prix honnête pour 5 ans de jeunesse sacrifiée?

Pierre Crosnier - Je suis bien sûr très fier de ces décorations. Mais ce n'est pas une fin en soi. Pour être "cité", il faut faire "un coup d'éclat", s'en sortir et avoir été vu par un supérieur. Ce qui suppose pas mal de chance.

M.L. - La notion de Patrie n'est-elle pas, à l'heure de l'Europe, une notion dépassée?

Pierre Crosnier - Non, elle est plus que jamais d'actualité. La Patrie est une entité morale et physique qui crée le sens du devoir et le cas échéant le sens du sacrifice si elle est en danger. Quelle magnifique perspective pour des jeunes qui à l'heure actuelle ne savent pas d'où ils viennent et où ils vont. La jeunesse a besoin pour s'épanouir d'un BUT élevé et d'une motivation à l'effort. L'idée de Patrie comprend ces éléments et est un levier puissant pour donner une perspective valable à une vie de jeune.

M.L. - Et si c'était à refaire?

Pierre Crosnier - Si c'était à refaire, je ne changerai pas un iota à ce que j'ai fait. Je recommencerai tout car je n'ai à regretter aucun de mes actes, en tant que Chrétien et Français.

M.L. - Vous avez écrit et publié, pour vos enfants et petits-enfants, "Les pérégrinations d'un jeune Français - 1940-45", quelle importance attachez-vous à ce témoignage?

Pierre Crosnier - Mon père, officier de Marine, a eu une très belle conduite en 1914-18 et dans le cadre de la France Libre, lors de la 2e guerre mondiale, il a fait partie de réseaux de Résistance. Il a été déporté par les Allemands en 1943 et est revenu très éprouvé physiquement. Il est décédé en 1960. Il n'a rien écrit . Nous ne savons pas le dixième de ce qui a motivé son engagement ni à quoi correspondent les nombreux témoignages de remerciements qui lui furent adressés par le Général Eisenhower, Winston Churchill et le Général de Gaulle. Mes enfants m'ont dit :"ne fais pas comme grand-père", écris ta guerre"...J'ai obtempéré.

M.L. - Pierre Crosnier, je vous remercie pour votre témoignage.


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